LA FANTASY, UN GENRE DIGNE D'INTERET ?

A la question pourquoi la Fantasy serait-elle digne d’intérêt ? La meilleure des réponses, à mon avis serait tout simplement  « pourquoi pas ? ».

Cependant, il existe deux points particuliers que j’aimerais discuter ici, sans pour autant les disserter longuement. Le premier est le besoin de s’évader. Le deuxième de se découvrir soi-même – du moins de le tenter.

L’escapisme est-il vraiment le besoin de s’évader ? Voici un argument que je souhaite nuancer. Cette nuance me paraissant d’importance face aux préjugés portés contre ce genre littéraire. La définition la plus courante que j’ai trouvée du terme d’escapisme, indique une conduite qui consisterait à se retirer du réel par peur ou déception. L’inquiétude et la déconvenue seraient-elles les seules raisons du besoin d’évasion ? Cela me semble un peu réducteur par rapport à un phénomène que je ressens comme plus fin. Je me suis donc interrogée sur le mot anglais duquel est tiré l’escapismeQuelle surprise ! To escape , est lui-même une adaptation d’un terme français eschappe. Merci Guillaume le Conquérant d’avoir transmis l’esprit de la langue française aux élites anglo-saxonnes? 😉.

La définition britannique me parait plus subtile : to free oneself  from confinement ; to extricate oneself from trouble. Se libérer soi-même de ce qui nous cantonne. S’extraire soi-même de ce qui nous dérange.

Ainsi l’aventure de Bastien héros de l’histoire sans fin de Michael Ende, dont la plongée dans le livre qu’il a volé chez un libraire, lui permet de s’échapper des brimades de ses condisciples. Sa rencontre dans un univers parallèle tout autant qu’imaginaire, le fait affronter les grands principes qui nous animent : la puissance du désir et le risque d’anéantissement qui lui est lié représenté par la Petite Impératrice, nommée aussi la Souveraine du Désir aux yeux d’or. L’attirance et la jalousie qui se disputent en nous vis-à-vis du double merveilleux incarné dans cette œuvre par l’enfant guerrier Atreju.

Pour reprendre le fil de mon argumentation, la nuance que je veux souligner, est cette notion de faire soi-même. Il n’y a donc pas passivité du lecteur de Fantasy dans sa démarche, mais volonté et volonté personnelle de s’extraire de ce qui le mesure. Non pas de s’enfuir en imagination d’une façon atone, intériorisée, mais au contraire de se distinguer avec créativité de son environnement. Ce qui sous-entend que le lecteur de Fantasy ne rejette pas forcément la réalité qui l’entoure, mais qu’il ne se laisse pas limiter par elle.

Voyons le personnage de Lyra dans l’œuvre de Philip Pullman, A la croisée des mondes. Elle fait preuve d’audace et d’indiscipline. Elle ment et s’en vante. C’est une fille sûre d’elle qui part à l’aventure d’un autre monde. Mais elle n’est pas exemptée de menaces, d’épreuves et d’échecs. Lyra partage avec le lecteur, cette nature téméraire, résolue et brave. Ce qui ne fait pas bon ménage avec la tolérance, la discrétion et la politesse déterminant notre sécurité dans les relations réelles.

J’en viens donc au deuxième point de mon petit article : le désir de se découvrir soi-même. Nous avons tous été (sommes encore) adolescents, je n’épiloguerais donc pas sur une métamorphose connue ici de tous. Voici une des périodes majeures de remise en cause dans une existence. Comme le dit William Shakespeare « nous sommes faits de l’étoffe des rêves et notre petite vie est entourée d’un grand sommeil ». Les corvées de routine qui jalonnent notre quotidien depuis l’enfance sont une part importante de ce « grand sommeil ». Une part qui a cet avantage : on peut s’en dégager de temps en temps – une bonne lecture de Fantasy par exemple.

Que ce soit Alice dans  Alice aux Pays des Merveilles de Lewis Caroll, ou Peter Pan dans l’œuvre éponyme de J.M. Barrie, on constate ce rapport au sommeil  de la vie quotidienne et raisonnable. Alice s’endort au début de l’histoire. Peter apparaît quand tout est endormi. La torpeur que les actes mécaniques du train-train ordinaire imposent à notre créativité beaucoup plus sauvage, s’expriment de leur léthargie diurne par le rêve où toute notre énergie va se représenter dans un apparent désordre foisonnant et symbolique.

Les routines, et le regard des autres… qui est nécessaire à la régulation de notre ego naturellement expansif. Mais prenons garde, que cette nécessité ne devienne la garantie de justesse et de justice des sentiments qu’on nous porte et qui voudraient nous définir.

Il nous faut donc ce que j’appelle une autre rive à laquelle nous ancrer. Notre imagination. Ce don que nous avons reçu pour récréer la réalité quand elle se cabre à notre encontre. Les intrigues de Fantasy entretiennent notre capacité d’émerveillement. C’est-à-dire ? - la surprise et non l’effroi – comme l’arrivée du magicien Gandalf au village des Hobbits dans  le Seigneur des Anneaux  de Tolkien.

- L’adhésion et non la soumission, telles les alliances que suscite autour d’elle, la mère des dragons, Danaerys Targaryen, dans le Trône de Fer de G.G. Martin.

- La volonté et non le volontarisme. Comme les héros de Percy Jackson de Rick Riordan.

- La détermination et non l’ordonnance. Le personnage d’Hannah, la vampire adolescente en quête de sa mémoire dans  Ame sœur  de Liza Jane Smith.

L’émerveillement, ou cette petite part de nous fragile et primordiale, qui préserve et entretient notre libre arbitre.

Les personnages de Fantasy portent pour nous le poids de la Tradition et celui de l’Innovation. Ils se déclinent dans toutes nos possibilités, nous entraînent d’un Autrefois vers un Ailleurs, et paradoxalement nous évitent de sombrer au large de ces trop nombreux horizons car « tant va la cruche à l’eau, qu’à la fin elle se casse ; tant l’escamoteur renouvelle son tour, qu’à la fin on découvre les ficelles » Pierre Joigneaux. C’est ce qu’on pourrait dire à décharge de la littérature de Fantasy en ce qui concerne la pléthore de productions dans le domaine. Comme toute littérature de genre, la Fantasy obéit à des codes qui lorsque l’auteur manque de talent, tombent dans la mièvrerie de ses propres stéréotypes. Mais ceci est un autre débat que je n’entamerais pas ici.

Je m’étais engagée à ne pas disserter trop longtemps, aussi vais-je (peut-être abruptement) m’en arrêter là, espérant avoir un peu contribué à cette réflexion sur le thème, la Fantasy : un genre digne d’intérêt ?

Ma conclusion sera OUI. Malgré ses défauts et ses risques, voici une forme de littérature qui agrémente, tout en les nourrissant, les deux points que je viens d’exposer de mon mieux.

Je vous quitterais sur cette citation de Mark Twain : « Quand nous nous rappelons que nous sommes tous fous, les mystères disparaissent et la vie est expliquée. »

Mes amitiés elfiques,

Marie-Line Balzamont 

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